Ukemi ou l’art de la chute (Blog Shoshin Aikido)

Voici la copie d’un article tiré du blog Shoshin Aikido et particulièrement instructif pour aborder les chutes dites « enlevées » (Merci à son auteur).

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Lors de ma participation à l’excellent stage annuel de Christian Tissier à Roquebrune sur argens dans le Var, j’ai eu l’occasion de pratiquer avec quelques aikidokas suédois d’un excellent niveau dont la caractéristique qui m’a le plus marqué était la qualité de leur ukémi. Notamment de leur chute plaquée.

Ce qui m’a le plus frappé était la quasi impossibilité d’appliquer de la force sur ces pratiquants tant leur chute était parfaite. En effet, leur mouvement épouse presque parfaitement le vôtre, par une qualité de sensation et d’écoute que je leur envie, de sorte qu’ils sont toujours en harmonie avec votre mouvement, ni trop en avance, ni évidemment trop en retard.

J’ai notamment pu pratiquer irimi nage avec l’un d’entre eux, ainsi que kote gaeshi et la qualité de leur chute prévenait toute torsion des cervicales, ou toute torsion excessive du poignet et ce quelle que soit la puissance que je pouvais mettre dans mon mouvement. Il s’agissait véritablement là d’un moyen d’annuler ma technique et non d’une chute subie qui prouverait une forme de défaite de la part de uke et une domination de la part de Tori.

L’autre point frappant était douceur avec laquelle ces pratiquants touchaient le sol après leur révolution dans les airs. Le contact était d’une légèreté totale et sans bruit claqué. Rien à voir avec les chutes lourdes, bruyantes et parfois douloureuses qui peuvent caractériser nombre de pratiquants et moi même en particulier.

Une vidéo valant mieux qu’un long discours, regardez celle-ci qui montre un pratiquant exécuter ce type de chutes.

Outre le constat que ma technique de chute était largement et douloureusement perfectible, cela m’a amené à réfléchir sur quelques points relatifs à la question de l’Ukémi :

– Pratiquer avec des personnes disposant d’une telle qualité de chute outre le plaisir que cela procure à Tori, me semble exprimer parfaitement l’idéal de l’Aikido, en tant que moyen de réaliser l’harmonie entre deux pratiquants.

On entend généralement harmonie du coté de Tori, celui-ci devant s’harmoniser à l’attaque de Uke afin de réaliser sa technique, mais uke dans sa façon de « recevoir » exprime largement quelques uns des principes les plus importants en Aïkido. Parvenir à cette qualité d’Ukemi implique souplesse, écoute, sensibilité, intégrité et… harmonie évidemment.
Disposer de cette qualité de chute permet à Tori de s’exprimer pleinement au travers de sa technique, sans craindre ou risquer de porter atteinte à l’intégrité de son partenaire. Dés lors cela donne une autre dimension à la pratique sur tous les plans (martialité, plaisir, sensations etc.)

Evidemment, chuter ainsi préserve largement l’intégrité de Uke. C’est vrai, me dira-t’on, on pourrait préserver son intégrité en ne chutant pas de cette manière, c’est à dire en remplaçant ce type de chutes par des chutes enroulées ou des chutes arrières. Oui mais dés lors il n’est plus possible de travailler nombre mouvements à leur amplitude, puissance et vitesse maximum, en tout cas à moyen long terme et c’est bien dommage, puisque cela freine la progression de tous.

– De plus, comme je l’ai déjà souvent entendu de la bouche de grands maîtres en Aïkido, l’ukemi  et plus largement, le travail de Uke constitue un moyen de progresser  en Aïkido car il permet de prendre la technique à pleine puissance de la part des bons pratiquants qui sans cela ne s’y risqueraient pas.
Ces sensations ressenties en tant que Uke au travers de son propre corps sont d’une valeur inestimable car elles permettront de trouver le chemin de la technique une fois devenu Tori. L’Ukemi notamment peut donc permettre de voler la technique de Tori, du point de vue des sensations de corps, et plus seulement des aspects techniques visuels.

Du coup, comment arriver à améliorer sa technique de chute ?

voici quelques éléments pratiques, une sorte de pense bête qui peut contribuer à faire progresser dans ce domaine:

– Premier point : bien latéraliser son corps. On y arrive en tournant la tête vers le partenaire pendant la chute, et en cherchant à conserver un contact visuel avec lui pendant toute sa durée.Ce point est d’une grande importance parce qu’il conditionne les points de contacts avec le tatami par la suite. Le bras et le corps latéralement, ou le dos et les traumatismes que cela induit.
Évitons donc les chutes tête en avant. le but est l’harmonisation, la relation avec tori, et non pas l’harmonisation avec le mur d’en face.

– Deuxième point : abaisser au maximum le point de rotation dans la chute, c’est à dire chuter le plus bas possible pour éviter de tomber de haut. Il faut parfois étirer un peu le corps, le haut partant dans la chute, mais le contact avec le sol étant toujours là, même léger. Bref, il ne faut pas se précipiter, et en même temps bien sûr, ne pas être en retard. Trop en avance, c’est tout le corps qui prend le choc avec le tatami, trop en retard, c’est l’articulation qui prend.
Ce point dépend fortement de la souplesse globale de votre colonne vertébrale et de vos chevilles. On le voit très clairement dans la photo ci-dessous. Ce sont des points à travailler dans vos assouplissements quotidiens. Nous avons chez nous un excellent chuteur (Simon tu te reconnaîtras) dont une des caractéristiques est justement d’être un vrai chewing-gum. Ceci étant, la souplesse n’explique pas tout.

CIMG3634

– Troisième point : être bien relâché pendant la rotation dans les airs. Si l’impulsion est parfois vive (mais pas trop), le reste de la chute doit se faire dans un relâchement total. On peut penser à l’image d’un lance pierres par exemple : tendu avant l’envoi, et relâché pendant.

>Lance-pierre-avec-repose-poignet

– Quatrième point : aller dans le sens de la technique, vers le point, l’axe de l’action voulu par Tori. Si Tori coupe sur son centre, ne pas chuter ailleurs, se laisser accompagner là où ça se passe. C’est extrêmement important pour éviter les contraintes articulaires comme on peut l’observer sur ce Kote gaeshi. Si le Uke chutait à coté de l’axe central de l’action, les contraintes sur son poignet-coude-épaule seraient très importantes.

christianTissierAikido-05

– Cinquième point : prendre contact le plus tôt possible avec le sol, avec le bras libre et de la manière la plus douce et amortie possible. Il faut se rappeler, d’après Franck Noel que j’ai interrogé sur le sujet que le terme de chute plaquée est impropre. Il s’agit de prendre un contact le plus doux possible, et le plut tôt possible avec le sol, qui permettra de freiner la chute du reste du corps et ainsi d’éviter les chocs. C’est ce point qui permet d’avoir une chute propre et douce, sans traumatisme, même si elle se fait dans les airs. Si vous regardez à nouveau la photo ci-dessus, vous verrez que Bruno Gonzalez a son bras libre préparé à prendre le contact très tôt.

On peut également le voir sur cette photo ci-dessous. (Merci à Sensei Birger Sørensen (tori}, Jacqueline von Arb (uke} and Øystein Alsaker (photo)

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Sensei Birger Sørensen (tori}, Jacqueline von Arb (uke} and Øystein Alsaker (photo} – Photo taken at the Birger Sørensen (5. dan} seminar in Bergen, 18 sep 2011 at the Bergen Aikidoklubb dojo.

 – 6ème point que je ne maîtrise pas encore totalement, il s’agit de trouver le point de bascule de son corps dans la chute afin de s’enrouler autour,  au besoin au départ en s’aidant de son partenaire sur des exercices genou relevé ou l’on essaie de bien s’enrouler autour de celui-ci.
Une petite video qui synthétise tout ça au travers d’un bel exemple de progression technique.

Une autre très belle vidéo avec de superbes chutes enlevées et des exercices intéressants :

J’ai personnellement pratiqué avec le uke blond barbu et c’est un chuteur exceptionnel…Pour terminer, la vidéo d’un judoka qui dispose d’habiletés stupéfiantes dans l’art de la chute. Sa conception de la chute est très offensive puisqu’elle lui permet de retourner la situation à son avantage. C’est assez proche de ce qu’on cherche à faire en Aïkido finalement.

– Enfin et surtout n’oubliez pas :

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